Les dommages susceptibles d’être indemnisés par le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (le FGAO), en application des articles L. 421-1 et L. 424-1 à L. 424-7 du Code des assurances, sont exclus de la compétence de la commission d’indemnisation des victimes d’infractions telle qu’elle résulte de l’article 706-3 du Code de procédure pénale, peu important que le FGAO intervienne subsidiairement, en présence d’un assureur du responsable susceptible d’indemniser la victime.
Ainsi le recours à la CIVI n’est pas possible pour les victimes françaises dès lors que l’accident de la circulation a lieu dans l’espace européen.
Cass. 2e civ., 24 nov. 2022, n° 20-22.100 : JurisData n° 2022-019745Cass. 2e civ., 24 nov. 2022, n° 20-23.462, FS-B : JurisData n° 2022-019744.
« Dans ces deux arrêts, des personnes de nationalité française, victimes d’un accident de la circulation dans l’espace économique européen demandaient le bénéfice d’une jurisprudence en vigueur depuis 1994 qui permet aux victimes d’un accident de la circulation à l’étranger de bénéficier d’une indemnisation par le FGTI dès que les circonstances de l’accident peuvent matériellement s’analyser comme une infraction (Cass. 2e civ., 2 nov. 1994 : Bull. civ. II, n° 214 ; Resp. civ. et assur. 1994, comm. 406)
Toutefois depuis 2020, la Cour de cassation réserve un sort particulier aux victimes françaises dès lors que l’accident de la circulation a eu lieu en Europe (Cass. 2e civ., 24 sept. 2020, n° 19-12.992 : JurisData n° 2020-014955 ; Resp. civ. et assur. 2020, comm. 207, note H. Groutel). Pour la Cour, le recours à la CIVI et une prise en charge par le FGTI au titre de l’article 706-3 du Code de procédure pénale est réservé aux victimes hors de l’Espace économique européen. Pour les autres, le recours à la CIVI est exclu au bénéfice du FGAO ou d’un système comparable.
Bien que cette solution ait été répétée à plusieurs reprises par la Cour (Cass. 2e civ., 6 mai 2021, n° 19-24.996 : JurisData n° 2021-006841), certaines juridictions d’appel résistent et permettent aux victimes de saisir des CIVI (en dernier lieu : CA Paris, pôle 4, ch. 12, 20 janv. 2022 : JurisData n° 2022-002665 ; Resp. civ. et assur. 2022, comm. 78, obs. H. Groutel). Voulant peut-être mettre fin à ces arrêts dissidents, la Cour de cassation a rendu deux décisions le même jour.
Dans la première affaire, la cour d’appel, pour dire recevable la requête en indemnisation présentée devant la CIVI énonce que s’agissant d’un accident corporel de la circulation routière en Espagne, ce dernier ne relève pas des dispositions de la loi française du 5 juillet 1985 mais bien de la loi espagnole en application des dispositions de l’article 3 de la convention de la Haye du 4 mai 1971. De la sorte, la loi de 1985 n’étant pas applicable, il convient d’appliquer l’article 706-3 du Code de procédure pénale. Le raisonnement est identique dans la seconde affaire où il s’agit cette fois d’un accident au Royaume-Uni.
La Cour de cassation censure ces deux décisions et écarte la compétence de la CIVI, au motif qu’il existe un autre régime d’indemnisation spécifique en l’espèce une indemnisation par le FGAO dans les conditions prévues par les articles L. 421-1 et L. 424-1 à L. 424-7 du Code des assurances, issus de la loi n° 2003-736 du 1er août 2003 ayant transposé la directive 2000/26/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 mai 2000 concernant le rapprochement des législations des États membres relatives à l’assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation des véhicules à moteur.
Ces textes prévoient en effet un dispositif d’indemnisation des victimes d’accidents de la circulation survenus dans un autre État de l’Espace économique européen, impliquant un véhicule ayant son stationnement habituel et son assureur dans l’un de ces États. Dans ce cadre, il permet, notamment, dans certaines circonstances, à la victime française d’être indemnisée en France par le FGAO en vertu des articles L. 424-1 et suivants du Code des assurances.
La Cour de cassation a déjà eu ce type d’approche pour exclure de la compétence de la CIVI, les victimes d’accidents du travail (Cass. 2e civ., 7 mai 2003, n° 01-00.815 : JurisData n° 2003-018958 ; Resp. civ. et assur. 2003, chron. 23, arrêt n° 1, H. Groutel ; Bull. civ. II, n° 138), les victimes d’accidents de service (Cass. 2e civ., 30 juin 2005, n° 03-19.207 : JurisData n° 2005-029173 ; Resp. civ. et assur. 2005, étude 12, H. Groutel ; Bull. civ. II, n° 177) ainsi que les militaires tués ou blessés en service (Cass. 2e civ., 28 mars 2013, n° 11-18.025 : JurisData n° 2013-005525 ; Resp. civ. et assur. 2013, comm. 187, note H. Groutel). Il y aurait cette fois un argument textuel puisque l’article 706-3 exclut les atteintes entrant dans le champ de la loi Badinter.