La deuxième chambre civile de la Cour de cassation s’est prononcée, par un arrêt du 10 février 2022 (n°20-20.814), sur l’articulation entre l’action d’une victime d’accident aérien à l’encontre d’un transporteur aérien et la saisine, par cette même victime, de la Commission d’indemnisation des victimes d’infractions (CIVI).
⇒ La CIVI est un organe spécialisé rattaché à chaque tribunal judiciaire. Saisie par les victimes directes ou indirectes d’une infraction, elle transmet leur demande d’indemnisation au Fonds de garantie des victimes (FTGI).
Principe de réparation intégrale des dommages résultant d’une atteinte à la personne
L’article 706-3 du code de procédure pénale dispose que :
« Toute personne, y compris tout agent public ou tout militaire, ayant subi un préjudice résultant de faits volontaires ou non qui présentent le caractère matériel d’une infraction peut obtenir la réparation intégrale des dommages qui résultent des atteintes à la personne (…) »
Le mécanisme de la CIVI permet l’indemnisation de la victime directement par le FGTI, qui se subroge ensuite dans les droits de la victime à l’occasion d’un recours formé contre le responsable, ses ayants droits ou son assureur pour demander le remboursement des sommes versées.
Principe de limitation d’indemnisation des victimes d’accidents aériens
L’article L. 6421-4 du code des transports dispose que :
« La responsabilité du transporteur aérien ne relevant pas de l’article L. 6421-3 est régie par la convention pour l’unification de certaines règles relatives au transport aérien international signée à Montréal le 28 mai 1999, dans les conditions définies à la section 2 du chapitre II du présent titre.
Toutefois, sauf convention contraire, la responsabilité du transporteur aérien effectuant un transport gratuit de personnes n’est engagée, jusqu’à hauteur du montant fixé au 1 de l’article 21 de la convention mentionnée au premier alinéa du présent article, que s’il est établi que le dommage a pour cause une faute imputable au transporteur ou à ses préposés ou, si le dommage dépasse ce montant, qu’il provient d’une faute inexcusable du transporteur ou de ses préposés. Est inexcusable la faute délibérée qui implique la conscience de la probabilité du dommage et son acceptation téméraire sans raison valable. »
Ainsi la responsabilité du transporteur aérien est régie par les dispositions de la convention de Montréal du 28 mai 1999 dans les conditions fixées par l’alinéa 2 de l’article L.6421-4 du code des transports.
Arrêt de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation du 10 février 2022 (n°20-20.814)
En l’espèce, une mère de cinq enfants ayant perdu son époux et son père à la suite d’un accident d’aéronef avait saisi le tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand en vue de l’obtention d’une indemnisation.
Le TGI puis la cour d’appel de Poitiers avait limité leur indemnisation à hauteur du plafond fixé par la Convention de Varsovie, c’est-à-dire 114 336 euros par passager.
En parallèle de cette procédure, l’accident ayant été causé par une infraction pénale, les victimes avaient aussi saisi, en vertu de l’article 706-3 du code de procédure pénale, la commission d’indemnisation des victimes d’infraction (CIVI) compétente et sollicité la réparation de leur entier préjudice.
La CIVI avait alors rejeté leur demande au motif qu’ils ne pouvaient prétendre à une indemnisation supérieure à celle déjà obtenue, en application de ce ce plafond, devant le TGI et confirmée par la cour d’appel de Poitiers.
Estimant que la réparation obtenue par le jugement du TGI de Clermont-Ferrand n’était pas intégrale, les ayants droit du passager ont alors fait appel de la décision de la CIVI.
Par arrêt du 22 septembre 2020, la cour d’appel de Poitiers a confirmé la décision de la CIVI. Elle a notamment estimé que le plafond d’indemnisation, en ce qu’il est issu d’une convention internationale, est de valeur supérieure, dans la hiérarchie des normes, à l’article 706-3 du code de procédure pénale, issu d’une loi nationale.
La deuxième chambre civile de la Cour de cassation casse et annule cet arrêt d’appel et juge que la CIVI ne pouvait pas se prévaloir du plafond de garanti prévu par la Convention de Varsovie :
« lorsqu’elle est saisie par la victime d’une infraction imputable à un transporteur aérien, sur le fondement du premier des textes susvisés, la CIVI, tenue d’assurer la réparation intégrale du dommage, suivant les règles du droit commun de la responsabilité, sans perte ni profit pour la victime, ne peut limiter l’indemnisation mise à la charge du FGTI au plafond de garantie prévu par le dernier de ces textes, qui ne régit que la responsabilité des transporteurs aériens. »
Elle confirme ainsi que la limitation de responsabilité fixée par la convention de Varsovie cède lorsque le fait dommageable engageant cette responsabilité est aussi une infraction pénale, auquel cas le principe de réparation intégrale s’impose.
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Avertissement : cet article ne constitue pas une consultation et toute situation nécessite une analyse individuelle.
Un avocat en droit aérien est compétent pour déterminer la nature du vol, le régime de responsabilité applicable, la loi applicable et le droit à indemnisation des victimes directes et indirectes d’un accident aérien.
Le cabinet LE TUTOUR Avocats s’attache à conseiller au mieux ses clients dans cette matière technique qu’il pratique depuis de nombreuses années dans le cadre d’accidents aériens.