Recevabilité d’une constitution de partie civile : la possibilité d’un préjudice en lien direct avec l’infraction suffit

par | 21 Déc 2023

Par un arrêt en date du 17 octobre 2023, la chambre criminelle de la Cour de cassation a rappelé que toute personne directement atteinte par une infraction peut se constituer partie civile, et ce quand bien même le préjudice dont elle s’estime victime n’est qu’éventuel.

Rappel des faits

Cette affaire concernait la publication dans la presse de photos prises dans le cadre de l’interpellation par la police d’un homme. Sa compagne, qui se trouvait présente lors de l’interpellation, apparaissait sur certaines photos.

Une enquête avait permis de découvrir que l’interpellation avait pu être photographiée car les policiers avaient été en contact avec des journalistes, justifiant l’ouverture d’une information judiciaire des chefs de faux en écriture publique et violation du secret professionnel.

La constitution de partie civile de la compagne de l’individu interpellé avait été déclarée irrecevable par le juge d’instruction, puis par la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris.

Décision de la chambre criminelle de la Cour de cassation

Le principe de recevabilité d’une constitution de partie civile est posé par l’article 2 du code de procédure pénale :

« L’action civile en réparation du dommage causé par un crime, un délit ou une contravention appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l’infraction. »

La Cour de cassation a rappelé à plusieurs reprises par le passé que le préjudice direct dont la personne qui entend se constituer partie civile se prévaut peut tout à fait être éventuel, dès lors que son existence apparait possible au regard des faits reprochés dans le cadre de l’information ouverte.

Voir ainsi pour une application récente l’arrêt rendu par la chambre criminelle du 8 janvier 2020, n° 19-82.385 :

« Mais attendu qu’en se déterminant ainsi, alors que, pour qu’une constitution de partie civile soit recevable devant la juridiction d’instruction, il suffit que les circonstances sur lesquelles elle s’appuie permettent au juge d’admettre comme possibles l’existence d’un préjudice personnel et direct et sa relation directe avec une infraction à la loi pénale, la chambre de l’instruction a méconnu le sens et la portée des textes susvisés et du principe ci-dessus rappelé ; »

C’est également en ce sens qu’a statué la chambre criminelle dans son arrêt du 17 octobre dernier :

« Vu les articles 2, 3 et 87 du Code de procédure pénale :

Il résulte de ces textes que, pour qu’une constitution de partie civile soit recevable devant la juridiction d’instruction, il suffit que les circonstances sur lesquelles elle s’appuie permettent au juge d’admettre comme possibles l’existence du préjudice allégué et la relation directe de celui-ci avec une infraction à la loi pénale.

Pour déclarer la constitution de partie civile de Mme [G] irrecevable, l’arrêt attaqué énonce en substance que les faits de faux en écriture publique ont été commis à l’occasion de l’enquête diligentée à l’encontre de M. [E] pour violences volontaires.

[…]

En se déterminant ainsi, la chambre de l’instruction, qui a exactement retenu que Mme [G] n’avait pas suffisamment justifié d’un éventuel préjudice en lien direct avec les faits de faux en écriture publique, a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés s’agissant des faits de violation du secret professionnel.

En effet, Mme [G], qui était concernée par les investigations diligentées puisqu’elle a été suivie par les fonctionnaires de police pour permettre l’interpellation de M. [E], faisait valoir un préjudice résultant d’une atteinte à sa vie privée, du fait de la captation de son image et de sa reproduction sans son autorisation, consécutivement à la communication à un journaliste de renseignements connus des seuls fonctionnaires de police concourant à la procédure d’enquête.

Un tel préjudice est en relation directe avec la violation du secret de l’enquête et de l’instruction, tel que prévu par l’article 11 du Code de procédure pénale, ce texte ayant pour objet de garantir notamment le droit au respect de la vie privée et la présomption d’innocence des personnes concernées par la procédure en cause (Cons. const., 2 mars 2018, décision n° 2017-693 QPC). 

La cassation est par conséquent encourue. »