Plusieurs actions de groupe ont récemment été menées séparément par des consommateurs et associations de consommateurs dans différents Etats Membres de l’Union européenne pour des faits fautifs similaires causés par les mêmes professionnels (type Dieselgate). L’éparpillement des procédures judiciaires en Europe entamées pour des faits similaires a rendu la simplification des procédures judiciaires d’indemnisation des consommateurs nécessaire et urgente.
Dans ce cadre, le 24 novembre 2020, le Parlement européen a approuvé la directive (UE) 2020/1828 relative aux actions représentatives visant à protéger les intérêts collectifs des consommateurs.
Elle tend à garantir qu’un mécanisme d’action représentative visant à protéger les intérêts collectifs des consommateurs soit disponible dans chacun des États membres et constitue un socle minimal d’harmonisation des actions judiciaires collectives initiées par des particuliers ayant un subi un préjudice identique contre un même défendeur.
Les Etats membres devront transposer ces règles dans leur loi nationale avant le 25 décembre 2022, pour permettre aux particuliers de demander la cessation d’actes répréhensibles et la réparation, de manière collective, par le biais d’une entité qualifiée (association, fondation…) du préjudice qu’ils ont subi du fait d’un acte commis par un professionnel, société commerciale, notamment.
Les États-membres devront par la suite mettre en application ces règles transposées à partir du 25 juin 2023.
Actions couvertes par la Directive
La directive couvre deux types d’actions :
- Les actions représentatives nationales, qui sont « intentée[s] par une entité qualifiée dans l’État membre dans lequel ladite entité qualifiée a été désignée » ; et
- Les actions représentatives transfrontalières, qui sont « intentée[s] par une entité qualifiée dans un État membre autre que celui dans lequel l’entité qualifiée a été désignée ».
Dans l’optique de promouvoir les actions transfrontalières, la directive prévoit que les entités qualifiées de différents États membres pourront « unir leurs forces » dans le cadre d’actions représentatives uniques, et quand bien même ces actions seront portées devant une juridiction d’un autre Etat membre (Consid. 31)
Champ d’application de la directive (UE) 2020/1828
La directive s’applique aux actions représentatives en cessation et en réparation, nationales ou transfrontalières, intentées en raison d’infractions, commises par des professionnels, aux dispositions du droit de l’Union visées à l’article 2 § 1 et Annexe I de la Directive 2020/1828, en matière de :
- Consommation
- Protection des données
- Services financiers
- Transport aérien et ferroviaire
- Tourisme
- Energie
- Télécommunications
- Environnement
- Santé, etc.
Entités qualifiées
La Directive prévoit la désignation par chaque Etat membre d’une ou plusieurs « entités qualifiées » (organisations de consommateurs, organismes publics, associations) (Article 4).
Ces entités qualifiées devront être sélectionnées selon un certain de critères définis par la directive et devront ainsi (Article 4 § 3) :
- Démontrer 12 mois d’activité publique réelle dans la protection des consommateurs
- Poursuivre un but non lucratif
- Être indépendante et ne pas être « influencée par des personnes autres que des consommateurs », etc.
Elles devront en outre être qualifiées pour demander (Article 7 § 4):
- Des mesures de cessation ; et
- Des mesures de réparation.
Chaque Etat membre devra communiquer une liste de ces entités qualifiées à la Commission européenne, et veiller à ce que les informations relatives à ces entités qualifiées soient mises à disposition du public (Article 5).
Financement
La Directive traite spécifiquement de la question du financement des actions par des tiers financeurs et requiert des Etats membres, selon des termes généraux, qu’ils fassent en sorte que le financement ne « détourne pas l’action représentative de la protection des intérêts collectifs des consommateurs » (Article 10).
Les juridictions nationales saisies devront ainsi évaluer si « le tiers serait susceptible d’influencer indûment les décisions procédurales de l’entité qualifiée dans le cadre de l’action représentative ».
La directive esquisse en outre la possibilité de financement d’actions représentatives par par des organisations financées par des contributions égales de leurs membres, par des dons ou par le biais d’un financement participatif (Consid. 52).
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La directive requiert que les États membres s’assurent que les entités qualifiées fournissent des informations sur leur site internet relatives aux actions intentées, leur état d’avancement, puis le résultat de ces actions (Article 13).
Ces informations pourront éventuellement également être contenues au sein d’une base de données nationale (Article 14).
Opt-in / opt-out
Deux modalités de participation à une action groupe s’offrent classiquement aux consommateurs :
- Le système d’opt-in, qui oblige les consommateurs à adhérer à l’action de groupe pour être indemnisés ; et
- Le système d’opt-out, qui intègre automatiquement toutes les victimes de l’acte objet de l’action, à l’exception de celles qui manifestent la volonté de s’exclure du groupe.La directive laisse pour sa part aux États membres le choix entre un mécanisme de participation (opt-in) ou d’un mécanisme de non-participation (opt-out).
Elle exclut en revanche le système de l’opt-in en ce qui concerne les actions en cessation (art. 8) et n’autorise les mécanismes d’opt-out que pour les consommateurs qui ont leur résidence habituelle dans l’État membre où se trouve la juridiction devant laquelle l’action représentative a été intentée (consid. 45, art. 9).
Par exemple, à ce jour, les Pays-Bas ont choisi le mécanisme de l’opt-out. Ainsi, en cas d’action de groupe intentée par une entité qualifiée devant les tribunaux hollandais, seuls les particuliers ayant leur résidence habituelle en Hollande, répondant aux critères fixés par un jugement faisant droit aux demandes de l’entité qualifiée, peuvent bénéficier de cette décision, sans avoir à être parties à la procédure ou membre de l’entité qualifiée.
A contrario, le mécanisme d’action de groupe de droit français, tel qu’il a été défini par la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014, a privilégié le système de l’opt-in : le consommateur concerné est appelé à se manifester dès lors que le juge a tranché la recevabilité et fixé le montant de l’indemnisation.
Principe du perdant-payeur
La Directive institue enfin le principe selon lequel la partie succombante doit rembourser les frais de procédure exposés par la partie gagnante, à l’exception des frais qui ont été exposés par le consommateur en raison de son comportement intentionnel ou négligent (consid. 36 et 38 ; Article 12).
En France, le juge peut ordonner la condamnation de la partie de la partie succombante à verser une somme forfaitaire et limitée à l’autre partie, en application des articles 699 et 700 du Code de procédure civile, si bien que les frais de justice effectivement engagés par la partie ayant gagné son procès, ne sont pas indemnisés dans leur intégralité, à ce jour.
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Le cabinet LE TUTOUR Avocats a développé une expertise en matière de litiges transfrontaliers. Il représente des victimes françaises et étrangères dans des litiges de masse en France, notamment en matière de dispositifs médicaux défectueux, et notamment le litige des implants mammaires PIP. Il suit donc de près la transposition de cette directive en droit national français.