Arrêt de la Cour de cassation du 15 décembre 2022 n°21-16.712 – Absence d’obligation de mitigation de son préjudice par la victime

par | 15 Fév 2023

C’est un principe reconnu de longue date par la jurisprudence française qui a fait l’objet d’une piqûre de rappel récente par la Cour de Cassation : l’absence d’obligation pour la victime de minimiser son préjudice dans l’intérêt du responsable.

Dans cette affaire, une personne avait été victime d’un accident de la circulation alors qu’elle était passagère d’une motocyclette. Ses séquelles définitives causées par l’accident contre-indiquaient les positions accroupies et le port de charges lourdes, et limitaient la position debout. La Cour d’appel a pourtant limité l’assistance tierce personne viagère à une moyenne de 20 heures par an, estimant, s’agissant des courses, que « leur fréquence peut être augmentée pour fractionner le port des charges lourdes et réduire le temps de présence debout dans les rayons » et que « la prestation de livraison à domicile est proposée par de très nombreux professionnels, y compris de l’alimentaire ».

Au visa du principe de réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit pour la victime, la Cour de cassation a censuré ce raisonnement en rappelant que « la victime d’un dommage n’a pas l’obligation de le limiter dans l’intérêt du responsable ».

En effet, l’absence de mitigation est un corollaire indispensable au principe de réparation intégrale du préjudice, qui implique de rétablir aussi exactement que possible l’équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime dans la situation où elle se serait trouvée si l’acte dommageable n’avait pas eu lieu.

Imposer à une victime de faire ses courses plus souvent ou de les faire en ligne, alors qu’elle ne le faisait pas avant le fait dommageable, contreviendrait directement à ce principe fondamental de la réparation.

Une victime n’a donc jamais l’obligation d’améliorer son état physique, sa situation économique, ou encore de compenser son handicap dans l’intérêt du défendeur, sans que cela ne puisse jamais restreindre son droit à indemnisation.

A titre d’exemples, l’indemnisation n’est pas limitée si la victime

  • arrête ses traitements antidépresseurs, contribuant à l’aggravation de son état de santé (Cass, Crim, 27 septembre 2016, n°15-83.309),
  • refuse de déménager dans un logement adapté à son handicap ou d’aménager une chambre en rez-de-chaussée, alors qu’elle réside dans une maison à étage isolée à la campagne (Cass, 2e civ, 25 octobre 2012, n°11-25.511),
  • refuse un reclassement proposé par son employeur après avoir été licencié de sa précédente activité pour inaptitude (Cass, 2e civ, 26 mars 2015, n°14-16.011).

Il s’agit là d’un heureux rappel de la Cour de cassation, à l’heure où certains professionnels du droit et de l’assurance souhaiteraient faire adopter par le législateur un principe de mitigation du préjudice, comme cela existe dans certains pays de droit anglo-saxon.